L’un des penseurs islamiques Ibn Miskawayh, dans son ouvrage intitulé « Traité d’éthique », exprime l’effet physiologique de la colère avec ces expressions : “La colère est un acte du nefs (de l’ego) qui fait augmenter le sang dans le cœur. Si cela s’amplifie les nerfs et le cerveau sont recouverts d’une fumée noire mélangée. À ce moment, l’état de l’esprit s’aggrave et son bon fonctionnement est entravé.” Plus tard dans son ouvrage, Ibn Miskawayh donne un exemple de l’état de l’individu en colère à travers Socrate. Selon Socrate, un navire pris dans une tempête au milieu d’énormes vagues a plus d’espoir de s’en sortir que celui d’une personne furieuse en colère. Parce que dans cette situation l’équipage du navire peut recourir à divers moyens pour le sauver. Une âme enflammée de colère n’a pas d’aide. Essayer de rationaliser cette âme avec des conseils ou bien des paroles apaisantes, est semblable à jeter du bois dans un feu ardent et ne fait qu’augmenter sa flamme.
L’Imam Ghazali montre également la colère comme l’une des faiblesses les plus fondamentales des êtres humains. Dans son livre « Ihya », il dit que la colère est l’une des caractéristiques que le diable aime voir chez les humains, et que le diable joue avec un individu en colère comme un enfant qui joue avec un ballon.
Le fait de prendre connaissance des méfaits de la colère sur la personne elle-même ainsi que ses relations engendre une prise de conscience chez l’individu. Cette conscience même nous empêche de vivre nos vies selon nos habitudes pour nous guider vers un comportement plus réfléchi.
Par où commencer ?
Telle est la première question que se pose une personne qui veut acquérir des compétences de contrôle tout en essayant de comprendre l’émotion de la colère. Bien sûr la première étape pour commencer est de se connaître soi-même. Dans un de ses hadiths, notre Prophète sws nous dit : « L’humanité a été créée à différents niveaux. Certains se mettent en colère rarement et se calme rapidement ; certains se mettent en colère rapidement et se calment rapidement ; certains se mettent en colère rapidement et se calme difficilement, ceux sont ces derniers les plus mauvais. Les meilleurs d’entre eux sont ceux qui se mettent rarement en colère et se calme rapidement. » (Tirmidhi, Fiten, 24.) Ce hadith nous aide non seulement à réaliser vers quel tempérament nous sommes inclinés par nature, mais contient également un message important : « Si tu veux être une bonne personne, mets-toi rarement en colère et calme-toi vite ! »
Bien que notre personnalité donne des indices importants sur la façon dont nous réagirons face aux événements, la part du sentiment de colère qui se reflète dans les comportements se produit principalement par l’apprentissage. Bien que cela puisse être difficile à accepter pour nous, il est possible de voir la vérité à travers un petit test. Si nous nous fâchons contre notre superviseur et ne donnons aucune réponse dans le cadre de la relation de subordination, cela veut dire que nous pouvons nous contrôler sous l’influence de différents facteurs. Mais si nous ne pouvons pas nous contrôler lorsque nous nous fâchons contre des personnes plus faibles que nous, il est très clair que nous avons un problème de comportement, et non pas un problème de colère. Une personne qui est capable de contrôler sa colère à un endroit peut également montrer ce succès à d’autres endroits.
Un point aussi important que se connaître et connaître ses faiblesses dans la gestion de la colère est le sens que l’on donne au sentiment de colère. Définir la colère comme une émotion qui devrait être retirée de nos vies, se fixer comme objectif de ne pas être en colère du tout, c’est perdre ce combat dès le départ. La colère est une émotion, elle ne peut être ignorée. Percevoir la colère comme une émotion négative est lié à un comportement incontrôlable et agressif. L’évaluation de l’Imam Ghazali de la colère comme « une grâce donnée à l’humanité » est une définition importante dans ce sens. Selon Ghazali, le sentiment de colère est une bénédiction donnée à l’homme par Allah afin de se protéger d’éventuels dangers et méfaits. Ce qui compte, c’est où et comment nous utilisons cette émotion.
Les Compagnons décrient ainsi la colère du Prophète sws : Notre Prophète se mettait rarement en colère et ne se livrait pas à des actes qui provoqueraient de la colère ; mais quand il était en colère, il était le vainqueur.
Tirer profit de la colère consiste à reconnaître les émotions négatives et à les gérer correctement. Il n’y a probablement personne qui n’ait pas entendu parler du basketteur Michael Jordan. Selon le site officiel de la NBA, Michael Jordan, qui a été élu à l’unanimité comme le plus grand basketteur de tous les temps, n’a pas été accepté dans l’équipe de basket de l’école lors de sa deuxième année de lycée. Son entraîneur lui dit qu’il n’est pas doué à cet égard, qu’il est petit de taille et qu’il n’y a pas de place pour lui dans l’équipe. Michael Jordan rentre chez lui et se met à pleurer. Remarquant la situation, sa mère lui demande ce qui s’est passé. Il répondit : « Je n’ai pas pu entrer dans l’équipe, ils m’ont dit que j’étais trop petit. » Sa mère passe alors son bras autour du cou de son fils et lui dit : « Regarde mon fils, l’important n’est pas à quel point tu es petit dans ton équipe, mais à quel point tu as une grande équipe en toi! » Au lieu de se fâcher contre son entraîneur et de tout abandonner, cette phrase a fait de Jordan le basketteur le plus célèbre au monde.
Nos ennuis et notre colère sont des signes avant-coureurs qui tentent de nous faire passer à l’action. Si nous avons l’expérience et une forte volonté, voir ces signes comme des étapes menant au but, nous ouvre de nouvelles et différentes portes. La chose la plus importante dans la vie n’est pas de profiter des gains ; n’importe qui peut le faire. Le plus important est de se débarrasser de nos pertes et des situations que nous définissons comme négatives afin d’atteindre le meilleur et le plus beau. N’est-ce pas là le vrai succès ?
Ayşe Nur ÖZKAN
